Je l'ai déjà dit, je lis beaucoup. J'ai l'impression que j'ai toujours lu.
Je ne me rappelle pas comment je me suis retrouvée inscrite à la bibliothèque de mon village, sûrement maman, mais je ne sais plus si c'est une idée à moi ou à elle, ça remonte à loin, au temps où j'ai appris à lire. La lecture fait partie de mon quotidien et pour approvisionner ce besoin cette bibliothèque tombait à point : emprunter un roman y coûtait entre 1 et 2,5 francs, de mémoire. En plus c'était pratique, elle était ouverte le dimanche matin, pendant un temps j'y suis allée après la messe, ensuite ça faisait un but de sortie plutôt qu'un week-end entier enfermé chez soi.
Cette bibliothèque était tenue par des bénévoles, toujours les mêmes ; les nouveaux livres étaient achetés avec le prix de l'emprunt des autres ou obtenus grâce à des dons. La présidente, Mireille me connaissait depuis mon plus jeune âge, elle m'appelait par mon prénom, savait le genre de lecture que j'aimais, ce que j'avais déjà lu ou pas, achetait les livres que je souhaitais lire, me faisait crédit quand il manquait un franc ou deux, ne râlait pas quand on gardait un livre plus d'un mois (ou deux), avait toujours un mot gentil pour la famille... Elle faisait la même chose avec tous les autres lecteurs et les autres bénévoles l'imitaient.
Les locaux avaient un côté magique, vivant et vieillot, plein de charme. D'abord dans des salles de patronage appartenant aux Soeurs, où un vieux feu à charbon avait du mal à réchauffer tout le monde l'hiver, puis dans une ancienne école avec accès par la cour. Les murs étaient tous tapissés de rayonnages débordants, au centre des bacs contenant les BD et revues et à chaque fois deux salles, une pour les adultes et l'autre pour les enfants. Sous le préau se tenaient un marché de noël et divers autres évènements tout au long de l'année, qui attiraient à chaque fois autant de monde.
Après une vingtaine d'années de bons et loyaux services cette association a été remerciée par la municipalité. Nous devions absolument nous doter d'une médiathèque. La bibliothèque ne correspondait en rien aux critères imposés, les locaux étaient jugés vétustes, il n'y avait rien d'informatisé, les bénévoles n'avaient pas de formations spécifiques et elle ne proposait que des livres... Je ne raconterai pas ici les différents épisodes qui ont marqué la création de l'une et la fermeture de l'autre car je n'y étais pas, mais je sais que ça ne s'est pas fait dans la joie ni la bonne humeur.
Après un pot d'adieu dans la cour de l'école, noire de monde, la médiathèque a été inaugurée, dans une intimité subie. Je ne me tromperais pas de beaucoup si je disais que les deux évènements n'ont pas du tout intéressé les mêmes personnes.
La médiathèque tient les promesses de son nom : on peut y emprunter des livres, DVD, CD, périodiques. On peut aussi y travailler, des tables et des chaises sont prévus pour ça. Les locaux sont neufs, propres, aérés. Les rayonnages sont aussi aérés malheureusement, à vue de nez (je ne suis pas bonne à ce genre d'estimation mais tant pis) je dirais qu'ils ne contiennent qu'un quart de livres de l'ancienne bibliothèque. Un livre doit être rendu au bout de 3 semaines sous peine de pénalité, tout est informatisé, on ne peut pas resquiller. Elle se trouve à l'étage d'un bâtiment et l'accès se fait par un escalier ou un ascenseur... en panne très rapidement car situé à l'extérieur du bâtiment et vandalisé, pratique pour les personnes âgées et les enfants en poussette. L'avantage pour les gros lecteurs est la carte à l'année, une cotisation annuelle d'une quinzaine d'euros qui permet d'emprunter ensuite ce qu'on veut, dans les quantités que l'on veut, sans avoir à penser à faire de la monnaie comme de l'autre côté. Sauf que le nombre de livres et les titres proposés ne peuvent pas combler une grande lectrice comme moi...
Je m'y suis inscrite quand même et en un an j'ai du y aller 3 ou 4 fois seulement, ressortie avec un choix par dépit. Les locaux sont vides, de monde et d'âme, les bénévoles restent derrière le bureau des enregistrements et retours, à papoter, pendant que je reste indécise dans la partie "roman" et que ma fille fait un peu le foin dans le coin "enfants". Ça ne m'arrange pas tellement finalement cette histoire de médiathèque, je suis obligée maintenant d'aller approvisionner ma fureur de lire à la Fnac ou au Furet et ça me coûte pas mal, je me restreins aux poches et aux valeurs sûres, j'essaie tant bien que mal de faire une place à la maison pour tous ses livres, les miens et ceux de ma fille (qui a l'air de prendre le même chemin que moi pour l'instant).
Je ne sais pas comment finir ce post aujourd'hui. Il n'y a pas de fin à ma passion alors j'ai du mal à conclure, c'est juste un état des lieux, un constat de ma vie de lectrice et je pense qu'il y en aura bien d'autres car malgré tout je continuerai à lire.
Une morale peut-être : la modernité ne peut pas remplacer l'humanité... mais les deux restent conciliables, il suffit de le faire intelligemment.